Pierre Gougaud - Les 7 plumes de l’aigle

mercredi 14 décembre 2011
par  Colette PISELLA

Henri Gougaud – les sept plumes de l’aigle.

« Je connais des gens qui prennent la vie en horreur sous l’étrange prétexte que le monde leur déplaît- comme si le monde et la vie étaient sortis jumeaux du même ventre ! Le monde n’est que le lieu où la vie s’aventure. Il est rarement accueillant. Il est même parfois abominable. Mais la vie ! L’enfant qui apprend à marcher, c’est elle qui le tient debout. La femme qui apprend les gestes de l’amour, c’est elle qui l’inspire. Et le vieillard qui flaire devant lui les brumes de l’inconnaissable, affamé d’apprendre encore, c’est elle qui tient ses yeux ouverts. Elle est dans la force de nos muscles, dans nos élans du cœur, nos poussées de sève, notre désir d’être et de créer sans souci de l’impossible. « Impossible est impossible ! » voilà ce que dit la vie. Avez -vous déjà vu une touffe d’herbe sortir tout étonnée d’une fente dans le bitume ? C’est ainsi que je suis venu au monde, à Buenos Aires. C’est ainsi que j’ai vécu, comme une herbe vivace.......J’allais au cours du soir des enfants de la rue. J’absorbais tout. Avez-vous déjà vu la terre du désert boire l’eau d’un nuage ? J’étais un désert et je buvais des livres. »

« Entrer dans l’âge adulte est une naissance. C’est un passage difficile. Beaucoup le refusent parce qu’ils ne veulent pas affronter ni la souffrance d’être seuls, ni la liberté d’inventer leur propre vie. Jusqu’à la mort et même au-delà tu devras grandir, grandir encore, devenir toujours plus adulte. Ne jamais prendre racine dans une communauté, dans une foi collective, dans un quelconque confort, voilà la loi du sorcier. Ne l’oublie pas, Luis. Si un jour tu te sens protégé, méfie-toi, le risque sera grand que tu retombe en enfance. Regarde l’aigle et apprends la liberté. »

« Il me paraissait qu’il réduisait ces choses, qui me semblaient importantes, en amusement puéril......-Mais, c’est exactement çà, Luis, un jeu d’enfant ! Un jeu, rien d’autre, un jeu qui te permets de fuir les combats inutiles...... Tu veux avoir la paix parce que tu as besoin de forces. Et tu as besoin de forces, parce qu’il en faut beaucoup pour voyager dans les mystères de la vie. Les émotions, les discussions, les colères, les convictions même, pour peu qu’on se laisse aller à les défendre, sont de redoutables dévoreuses d’énergie. Elles te sucent le sang, elles t’épuisent en pure perte. Il est indispensable que tu les voies pour ce qu’elles sont : des vampires ! » il m’a semblé pour le coup qu’il faisait trop peu de cas des passions humaines. Je me suis rebiffé.

-Mais Chura, l ’affrontement est parfois nécessaire. Il y a tout de même des choses qu’on ne peut pas laisser dire, sinon les gens vous prennent pour un idiot... - Quand un mendiant te tend la main pour te demander un sous, tu lui donnes un sou, et il te dit merci. Tu crois que cela va de soi, que c’est l’ordre naturel du monde. Mais en vérité, quand un mendiant te tend la main, c’est pour t’aider à sortir de quelque part. C’est donc à toi de lui dire merci. - sortir d’où, Chura ? - De ton trou d’indifférence, de ton sommeil, de ta misère intime. »

« Pourquoi la conscience carrée est -elle l’ennemie du sentir, Chura ? -Elle

n’est pas son ennemie. Elle est simplement un autre lieu de nous -mêmes. Elle est d’un autre usage. La conscience carrée est très utile pour fabriquer des trains, des routes, des avions, des villes, des médicaments, des canapés, des systèmes increvables. Mais elle est ainsi faite qu’elle ne veut pas goûter, elle veut comprendre. Elle ne veut pas jouer, elle veut travailler. Elle ne veut pas de l’inexprimable, elle veut des preuves. Elle ne veut pas être libre, elle veut être sûre. Elle doit être respectée, elle a des droits, et des pouvoirs. Mais veille à ne pas lui laisser tous les droits, ni tous les pouvoirs. Veille à ce qu’une porte reste toujours ouverte dans un coin de ta conscience carrée . C’est là qu’on se retrouvera, Luis, quand tu auras envie de ma compagnie. Dans le jardin. »

« Chacun en lui a sa boussole qui l’attire à ce qu’il lui faut. Tous les ânes vont au chardons, tous les chiots à la mamelle. Les hommes, eux, vont au savoir. Leur destin est de découvrir, d’éclore toujours plus amplement, de déployer sans fin leur esprit, leur conscience. »

« Décapsule ton crâne, je vais te donner un secret. Prends-le comme une provision de route : quand tu adresses une demande à ton Dieu, sache qu’elle est à l’instant même accordée...... N’espère rien de ta tête à petit trou. Celle-là ne voit rien, n’entend rien, elle est trop occupée à attendre des réponses, à exiger des preuves. N’attends pas. Ta prière à peine dite, agis en tout comme si elle était exaucée, car elle l’est, même si tu n’en vois aucun signe. »

« Je croyais que tu voulais devenir un guerrier-j’ai baissé la tête, j’ai grogné je ne sais quoi. Il m’a dit : « un guerrier ne se plaint jamais , Luis . Il sait qu’il n’a aucune chance de vaincre, s’il ne prend pas le risque de tout perdre. »

« A l’instant où tu te sens vivant, le vivant est là, avec toi, ton être est là, car lui ne connaît que le présent perpétuel. Il ignore tout du passé, du futur, il ne peut pas t’y poursuivre, quand tu t’y perds. Il est là, il t’attend dans ton corps présent, prêt à t’inonder de toutes bontés désirables. Le présent, Luis ! Tous les mystères, toutes les richesses. Toutes les réponses du monde sont dans ce mot. »

« Ferme les yeux, écoute le bruit de ton souffle et tente de goûter l’épice ; - L’épice ? - Ce qui fait que la vie ne passe pas pour rien. »

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles qu’on n’ose pas les faire. C’est parce qu’on n’ose pas les faire qu’elles sont difficiles. »


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