Jean Claude carrière et Umberto Eco- N’espérez pas vous débarrasser des livres

jeudi 17 mars 2011
par  Colette PISELLA

 

Jean Claude carrière et Umberto Eco- N’espérez pas vous débarrasser des livres
 
A un certain moment, les hommes inventent l’écriture. Nous pouvons considérer que l’écriture est le prolongement de la main et dans ce sens elle est presque biologique. Elle est la technologie de communication directement liée au corps. Lorsque vous avez inventé ça, vous ne pouvez plus y renoncer. Encore un fois, c’est comme avoir inventé la roue. Nos roues d’aujourd’hui sont celles de la préhistoire. Tandis que nos inventions modernes, cinéma, radio, Internet, ne sont pas biologiques
 
Chaque lecture modifie le livre, bien entendu, comme les événements que nous traversons. Un grand livre reste toujours vivant, il grandit et vieillit avec nous, sans jamais mourir. Le temps le fertilise et le modifie, alors que les ouvrages sans intérêt glissent à coté de l’Histoire et s’évanouissent.
 
Cette obsession d’effacer toutes les traces écrites dit assez combien pour l’envahisseur, un peuple sans écriture est à jamais un peuple maudit. On a découvert récemment en Bulgarie des objets d’orfèvrerie dans des tombes datées du deuxième et du troisième millénaire avant notre ère. Or les Thraces, comme les Gaulois, n’ont pas laissé d’écriture. Et les peuples sans écriture, ceux qui ne se sont pas nommés, ceux qui ne se sont pas racontés (même faussement), n’ont pas d’existence, même si leurs pièces d’orfèvrerie sont magnifiques, raffinées. Si vous voulez qu’on se souvienne de vous, il faut écrire. Ecrire et faire en sorte que vos écrits ne disparaissent pas dans quelque brasier. Je me demande parfois ce que les nazis avaient en tête lorsqu’ils brûlaient des livres juifs. Imaginaient-ils les faire disparaître tous, jusqu’au dernier ? N’est-ce pas une entreprise aussi criminelle qu’utopique ! N’était-ce pas plutôt une opération symbolique !
 
L’image, où nous voyons souvent autre chose que ce qu’elle montre, peut mentir d’une manière encore plus subtile que le langage écrit ou que la parole. Si nous devons garder une certaine intégrité de notre mémoire, il faut absolument apprendre aux générations futures à regarder les images. C’est même une priorité.

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