Les passeurs de livres de Daraya – Delphine Minoui

jeudi 26 avril 2018
par  Colette PISELLA


 

Les passeurs de livres de Daraya – Delphine Minoui

 

 

« Un cliché énigmatique, sans trace de sang ni de balles, échappé de l’enfer syrien. Deux hommes de profil, entourés d’un mur de livres...... De courriels en appels passés sur Skype et WhatsApp, je finis par retrouver la trace d’Ahmad Moudjahed, son auteur. Ahmad est l’un des cofondateurs de cette agora souterraine. À travers les mailles d’une mauvaise connexion internet, unique lucarne sur le monde extérieur, il me raconte sa ville dévastée, les maisons en ruine, le feu et la poussière, et dans tout ce fracas les milliers d’ouvrages sauvés des décombres et rassemblés dans ce refuge de papier auquel tous les habitants ont accès. Des heures durant, il évoque en détail ce projet de sauvetage du patrimoine culturel, né sous cendres d’une cité insoumise. Puis il me parle des bombardements incessants. Des ventres qui se vident. Des soupes de feuilles pour conjurer la faim. Et toutes ces lectures effrénées pour se nourrir l’esprit. Face aux bombes, la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leurs armes d’instruction massive. »

 

 

« Sous les ruines d’une maison pulvérisée, ils ont trouvé des livres, qu’ils veulent absolument exhumer......Au cœur de la guerre, l’idée lui paraît saugrenue. À quoi bon sauver des livres quand on n’arrive pas à sauver des vies ?...........Le parquet est tapissé d’ouvrages, éparpillés au milieu des gravats. D’un geste lent, il s’agenouille au sol, en cueille un au hasard..... Le titre est en anglais, ça parle de connaissance de soi, un ouvrage de psychologie sans doute. Ahmad tourne la première page, déchiffre les quelques mots familiers de cette langue étrangère qu’il parle mal. Qu’importe le sujet, en fait. Il tremble. Tout en lui se met à vaciller. Cette sensation troublante d’ouvrir la porte du savoir. De s’échapper, un instant, de la routine du conflit.......... »

 

 

« Au milieu du fracas, ils s’accrochent aux livres. Avec l’espoir de meilleurs lendemains. Portés par leur soif de culture, ils sont les discrets artisans d’un idéal démocratique. Un idéal en gestation, qui brave la tyrannie du régime. Qui défie, aussi, la brutalité des soldats au drapeau noir, destructeurs d’antiquités à Palmyre, auteurs du terrible incendie de la bibliothèque de Mossoul, en Irak, début 2015. Des mercenaires de la paix face à la destruction prédatrice. »