Des âmes simples – Pierre Adrian

mardi 27 février 2018
par  Colette PISELLA

 Des âmes simples – Pierre Adrian

 

« En quittant la vallée pour la première fois, cet été-là, je savais déjà que je reviendrais. Ceux qui trébuchent, ceux qu’on ne voit pas. J’aime le fond de la classe. Le saccage et le sursaut, la poudrière, le foutoir, la beauté, les rêveurs:tout est au fond chez les invisibles. Au fond des vallées....... Les caméras dispersent le bruit du monde..... Elles n’aiment pas la lumière parce qu’elles ne la connaissent pas. Le monde veut ce qui brille, et la lumière vraie ne brille pas. Dans la vallée, du moins, on ne la voit pas. Il faut s’arrêter, prendre le temps de chercher. Mais ici, on ne fait que passer. Une vallée est un passage. On ne s’y arrête pas. Et pourtant.... cette lumière. »

 

« Je pousse la porte du monastère qui donne sur le cloître. Tout est ouvert, enfin.Tout est ouvert dans une société du loquet. Où l’on s’enferme, verrouille. Où l’on imagine que murs et rideaux métalliques, claquements de clenche, vraiment nous protègent. Mais de quoi avons-nous tant besoin d’être gardés ? Du voleur, de l’assassin ? Du pauvre errant ? Ici, point de vigile. On entre et on sort par l’entrée, la grande. On ne frôle pas les murs. Les portes seulement restent fermées pour que l’air ne coure pas. »

 

« Tous les gestes de Pierre sont lents. Une délicatesse sans calcul. Ce ne sont pas les premiers ralentissements d’un homme de soixante-quinze ans. Seulement cette grâce qu’on retrouve aussi chez quelques longues femmes élégantes et parmi les danseurs. Où le mouvement est l’expression d’une paix intérieure et d’un cœur au repos. Ces personnes qui n’élèvent pas la voix, préfèrent se taire plutôt que de se faire entendre à tout prix. Les hâbleurs de comptoir et procureurs d’autobus y voient des « soumis »et des « trop sages ». Des gentils qui tout acceptent. Car aujourd’hui, ne pas ouvrir sa gueule pour aboyer est un aveu de faiblesse. Certains ont pourtant choisi le silence, et leur parole est précieuse. Quand ils parlent, c’est avec leur cœur. Tout est au cœur, à l’organe sensible.Pourtant, il ne faut pas croire que rien ne les atteint. Chez eux, passion et douleur existent.Mais les humeurs se jouent entre eux et un autre. Leur cœur est une grande inconnue. »