Eric-Emmanuel Schmitt – plus tard, je serai un enfant

lundi 20 novembre 2017
par  Colette PISELLA

 

 

Eric-Emmanuel Schmitt – plus tard, je serai un enfant

 

 

 

« La fenêtre que l’on ouvre sur le passé se découpe toujours dans le mur du présent. Du paysage, on n’aperçoit que ce que dévoile le point de vue actuel. Rien de moins objectif que le temps révolu. Toute histoire de jadis demeure contemporaine. Nous possédons plusieurs enfances au cours d’une vie, lesquelles diffèrent selon l’âge auquel nous la racontons. »

 

 

« Pour rester vivant, il faut apprendre autant que désapprendre. Heureusement, la philosophie m’incita à l’examen critique-faire et défaire-, m’encourageant à remettre en question les règles acquises. Grâce à son hygiène mentale, la philosophie m’a conduit à rallier le dynamisme curieux et entreprenant de mon enfance. »

 

 

« Ce qui vibre dans le récit passe de ce qui est dit à ce qui n’est pas dit . Chaque grand texte établit un dialogue secret entre l’audible et l’inaudible, le visible et l’invisible, le tu et le formulé. Je formais mon oreille et ma plume. La lecture se révélait un prodigieux jardin d’écriture ; chaque livre semait en moi une graine qui allait germer et éclore. »

 

 

« Admiration et imitation, telles étaient mes deux ressorts. Dès que le hasard m’offrait l’occasion de créer, je la saisissais. »

 

 

« Ma veine humaniste franchit les frontières puisque mes sujets ne s’enlisent pas dans le franco-français. Pourtant, hors Hexagone, on me ressent comme très français, car mes pièces mêlent le sérieux et l’humour, la profondeur et la légèreté. On leur prête cette élégance morale à la française prisée dans le monde. Pour l’Europe, l’Amérique, le Japon, la Russie, nous demeurons le peuple qui se fie au verbe et cherche le sens de la vie. Mes textes font écho à cet archétype de la France. Tout en divertissant, je soumets une réflexion et défends des valeurs. Même mon optimisme métaphysique et existentiel symbolise au loin la culture française, alors qu’en vérité celle-ci se vautre dans le pessimisme depuis des décennies. »

 

 

« Comme chacun, j’ai mes peines, mes nostalgies, mes angles noirs, mes gouffres, mais je répugne à les étaler. Ils nourrissent mon œuvre. Avec mes lecteurs, je ne souhaite qu’en partager le résultat : confiance et optimisme. »

 

 

« Quand je ne frappais pas les touches d’ivoire pour soutenir les voix de ma mère, mes oncles, mes tantes, je me régalais des rapports entre adultes. Imbroglios, quiproquos, amabilités perfides, engueulades, piques récurrentes lors des rassemblements familiaux instauraient une comédie qui m’égayait.

 

 

Mes parents moqueurs m’ont transmis leur sens de l’humour comme une hygiène. Rire de tout, de soi et des autres sans méchanceté. »

 

 

« Ne réduisez pas l’optimisme à un état béat qui estime que tout ira bien ! Au contraire, l’optimiste perçoit les défauts de la réalité, mais face à ce constat négatif, il ne conclut pas « ce sera pire demain », il déclare « qu’entreprendre pour que ça s’améliore ? ». Il combat le monde, les autres et lui-même pour en corriger les insuffisances. »

 

 

« Avoir peur, ce n’est pas manquer de courage, c’est emprunter le chemin qui y conduit. Frissonner s’avère la condition de toute bravoure. On ne fait preuve de courage que si l’on domine la crainte éprouvée. Rien à voir avec l’insensibilité ou l’inconscience, ces faux visages du courage ! C’est à la peur surmontée qu’on jauge le courage, lequel consiste à être courageux précisément au moment où l’on sent qu’on ne va pas l’être. »

 

 

« Ma tribu a toujours pratiqué l’indifférence religieuse et ne se montra jamais intolérante. D’ailleurs, mes parents me baptisèrent par convenance sociale – et sans doute pour plaire à ma pieuse grand-mère. Ils m’inscrivirent même à 11 ans, in extremis, au catéchisme. « il faut que tu connaisses l’Histoire ! » me dirent-ils simplement, conscients que nous évoluions dans un pays chrétien, désireux que je comprenne les allusions bibliques des livres, des tableaux, des monuments, des musiques. Leur athéisme ne nous interdisait pas non plus de célébrer Noël, Pâques ou le 8 Décembre. »

 

« On ne peut évoluer sans bonté et sans douceur. Je ne prétends pas qu’un individu très intelligent ignore l’empathie, ni qu’un crétin se conduira mieux qu’un savant, j’attire seulement l’attention sur le fait que l’esprit est riche et doit le demeurer, composé d’entendement mais aussi de cœur, d’imagination, de valeurs. Il ne faut pas laisser l’intellect appauvrir l’esprit. On ne pense jamais trop ; cependant, quand on ne fait que penser, on ne ressent plus, on ne se relie plus au monde. »