Jean-Christophe Rufin

mercredi 11 juin 2014
par  Colette PISELLA


Jean-Christophe Rufin – Immortelle randonnée

Compostelle malgré moi

« Le Chemin est une alchimie du temps sur l’âme. »

« On n’est plus rien ni personne, seulement un pauvre pèlerin dont les gestes sont sans importance.......Peut-être est-ce là une des motivations du départ... A mesure que la vie vous façonne, vous leste de responsabilités et d’expériences, il paraît de plus en plus impossible de devenir un autre, de quitter le pesant costume qu’ont taillé pour vous vos engagements, vos réussites et vos erreurs. Le Chemin lui, accomplit ce miracle. »

« Sous les rafales de vent, les embruns salés et la pluie froide, le marcheur connaît dans ces moments d’intempéries plus d’émotion que devant les couleurs d’un jour ensoleillé. L’ impression d’appartenir à la nature sauvage, de se fondre en elle, de lui résister tout en sachant que si elle insiste, on se laissera rouler par les vagues ou emporter par les bourrasques, est une volupté rare. »

« C’est assez trivial de dire.... que l’extrême humilité est une des voies de l’orgueil. A mesure qu’il se diminue, le pèlerin se sent plus fort et même presque invincible. La toute-puissance n’est jamais loin de la plus complète ascèse. »

« Je commençai à percevoir en moi la présence d’un délicieux compagnon : le vide. Mon esprit ne formait plus d’image, aucune pensée, encore moins de projet. Mes connaissances, si j’en avais eu, avaient disparu dans les profondeurs et je n’éprouvai aucun besoin d’y faire appel. En découvrant un paysage, il ne me venait pas à l’esprit qu’il pût ressembler à la Corse ni à nul autre lieu que j’aurais connu. Je voyais tout avec une fraîcheur éblouissante et j’accueillais la complexité du monde dans un cerveau redevenu aussi simple que celui d’un reptile ou d’un étourneau. J’étais un être nouveau, allégé de sa mémoire, de ses désirs et de ses ambitions. Un homo erectus mais d’une variété particulière : celle qui marche. »

« Pendant plusieurs mois après mon retour, j’ai étendu la réflexion sur mes peurs à toute ma vie. J’ai examiné avec froideur ce que littéralement je porte sur le dos. J’ai éliminé beaucoup d’objets, de projets, de contraintes. J’ai essayé de m’alléger et de pouvoir soulever avec moins d’efforts la « mochila » de mon existence.

Mais cela aussi a passé..... l’effet perceptible du pèlerinage s’efface vite...... Bien sûr à certains indices, on comprend qu’il travaille toujours en profondeur...... C’est une erreur ou une commodité de penser qu’un tel voyage n’est qu’un voyage et que l’on peut l’oublier, le ranger dans une case..... »


Commentaires